Il est évident que, tant que ne sera pas abolie la cause, l’effet persistera

GUERRE

Nous entendons, par le mot « guerre », un état d’hostilité déclarée, entre deux peuples, ou groupes de peuples, et qui comporte des luttes armées.

Ce mot désignait, dans le passé, deux sortes de conflits armés : les uns, entre nations différentes, appelés guerres étrangères, ou guerres internationales ; les autres, entre deux fractions importantes d’une même population, appelés guerres civiles.

Autrefois, les guerres entre provinces avaient, en effet, les mêmes caractéristiques que les guerres entre nations, l’organisation féodale ne comportant pas la centralisation ni l’unification des pouvoirs. Chaque seigneur pouvait lever une armée, sa vassalité à l’égard du souverain n’entraînant pas sa sujétion ou sa subordination complètes.

Mais, aujourd’hui, la guerre civile se distingue très nettement de la guerre internationale, tant par son caractère intrinsèque que par la nature des groupes qu’elle met en présence. Elle exprime, le plus souvent, des conflits entre classes sociales. C’est donc, à présent, la guerre internationale, la guerre entre peuples, qui est la guerre proprement dite, et que doit désigner le mot guerre lorsqu’il n’est accompagné d’aucun qualificatif.

Remarquons qu’au sens juridique du mot, il n’y a guerre que lorsqu’il y a un état d’hostilité entre Etats.

Nous ne pouvons accepter cette définition, qui a notamment comme résultat de ne pas faire considérer comme guerres les actes de brigandage colonial contre des peuples non reconnus comme nations.

C’est pourquoi nous faisons remarquer que, pour nous, la guerre est l’état d’hostilité et de lutte armée entre peuples. […]

 René VALFORT

INVASION

n. f. (lat. invasio, de invadere : in, dans et vadere, aller)

Pénétration militaire dans un pays, irruption guerrière à laquelle font cortège les abus de la soldatesque, le sac des biens et parfois le massacre des personnes. L’invasion se chiffre, pour le vaincu, en brimades, rançons, contrainte, assujettissement, violences et privations de toute nature. Elle apporte au vainqueur le bénéfice de cyniques exactions jointes aux satisfactions grossières de l’amour-propre et de la domination : il puise ses avantages et ses jouissances dans l’exercice des droits souverains de la force. L’invasion a son épilogue dans l’indemnité — souvent écrasante — , l’occupation ou l’annexion…

La terreur de l’invasion a toujours servi les habiletés des professionnels — mégalomanes ou affairistes- du patriotisme. Elle a, devant les peuples inéclairés, justifié, par le paradoxe, les charges d’une paix armée ruineuse souvent plus que la guerre, et entretenu la méfiance et l’atmosphère d’hostilité propices aux rencontres sanglantes. C’est sur les invasions de 1870 et de 1914 que les militaristes de France assoient les « raisons » de leurs armements formidables. La menace ainsi change de camp, et les inquiétudes. Et la paix demeure précaire et sans fondement. Les intérêts, les appétits, les circonstances demeurent l’arbitre d’un équilibre singulièrement provisoire. Plus ardue est aussi, dans la course folle aux préparatifs dits « de défense », la tâche lente du rapprochement des peuples. […]

L.

Quelle vérité, quelle justice ?

Les « bavures » policières… les flics qui rackettent, insultent, tabassent, mutilent, violent, assassinent… Les serviteurs de l’État en parlent comme s’il s’agissait de faits rares et isolés, conséquences de circonstances malheureuses ou, dans le pire des cas, dus à quelques « fruits pourris ». Cela revient à dire que, dans leur ensemble, les forces de l’ordre seraient de preux chevaliers au service du bien. Et de toute façon leur travail serait indispensable pour la société… Il suffit pourtant d’ouvrir un peu les yeux pour se rendre compte que la violence est l’essence même du pouvoir. Une violence qui est souvent cachée ou considérée comme « normale », comme si exploiter, violenter, enfermer, assassiner quelqu’un pouvait être normal.

Trop souvent, face aux violences des flics, les victimes et/ou leurs proches ne condamnent que le comportement policier dans le cas précis qui les concerne. L’existence de l’institution policière et du pouvoir qu’elle sert n’est presque jamais remise en question. Machin se fait buter par les keufs ? Ses proches font des démarches légales, des marches silencieuses, étouffent leur propre colère et essaient de calmer la rage de ceux et celles qui crient vengeance. Ils dénoncent les dérives racistes, fascistes, antidémocratiques de certaines parties des forces de l’ordre. Ils font appel à la loi, cette loi qui existe précisément pour défendre la domination et l’exploitation.

Combien de fois entend-on réclamer « vérité et justice » ? Vérité : que le comportement « criminel » de quelque flic soit reconnu (et, du coup, que le comportement « correct » soit rétabli). Justice : que les responsables soient punis (pour que le système reste le même). Et à qui les réclame-t-on ? A la Justice, celle des tribunaux, bien sûr ! Cette Justice pour laquelle les flics travaillent et qui n’existerait pas sans police. Quelle vérité et quelle justice, donc ? Celles que la Justice, instrument du pouvoir politique, économique et moral, voudra bien nous accorder. Cela revient à cautionner le pouvoir lui-même et ses serviteurs. Il s’agit d’un cercle vicieux d’où on ne sait plus sortir.

Le pouvoir peut parfois trouver utile de châtier (presque toujours de façon symbolique, mais le problème n’est pas là) un comportement de ses gros bras perçu comme excessif. On est en démocratie, ne l’oublions pas ! Et les « doléances » des sujets, si elles ne remettent en cause que des détails du système, pas son ensemble, lui sont utiles. Tout en faisant mine d’être à l’écoute de ses sujets, le pouvoir peut corriger ses failles et ses excès. Cela le renforce : il élimine des frictions dans son fonctionnement.

Tant qu’il y aura de la police, il y aura des violences policières, par erreur ou bien à dessein, quand le pouvoir décide d’avoir recours à cette force que d’habitude il garde de côté. Mais dans des situations ordinaires, les forces de l’ordre sont bien plus efficaces si elles paraissent attentives aux droits des citoyens. Le conte de fées de la démocratie et des droits de l’homme peut ainsi continuer…

Qui croit au flic gentil ? C’est toujours un flic et il fait sont sale boulot mieux (avec moins de résistances et frictions) que le flic brutal. Mais imaginons un instant que ça soit possible une police tout à fait « gentille », « démocratique » et respectueuse de nos supposés « droits ». Qu’est-ce que ça voudrait dire ? Que de l’autre côté la population serait docile et « gentille » elle aussi. Un pouvoir qui se couvre du masque de la démocratie, ce mensonge colossal, trouverait son intérêt dans une police qui ne ferait presque pas, voire pas du tout, usage de la force. Cela signifierait que de l’autre côté il y aurait des sujets qui obéissent sans faute. Le bon chien de berger est doux car les moutons sont bien obéissants… Vouloir une police qui fasse « bien » son travail, revient donc à souhaiter sa propre soumission la plus complète. Il n’y aurait plus besoin de matraque parce que chacun et chacune aurait déjà un flic, le plus puissant de tous, dans sa tête.

Le problème fondamental est ailleurs que dans la violence ponctuelle des bleus. Il est dans l’existence même de la police, dans l’existence même de l’État qu’elle sert, dans l’existence même d’une société fondée sur l’autorité et la servitude. C’est pour ça que nous ne voulons pas de police, même pas la plus démocratique, surtout pas la plus démocratique. Pas seulement parce que les flics sont des assassins. Mais parce que le système qu’ils défendent et imposent, le monde qui a besoin de la police, est lui-même, toujours, mortifère. Parce que nous ne voulons plus d’autorité. Parce que nous voulons être libres.

Et comment elle marcherait la société, sans police ? Cette société-là ne marcherait peut-être pas, ou difficilement sans elle. Mais, nous l’avons dit, le problème de fond est bien ce monde. Et le désir de liberté porte avec lui la semence d’un autre monde, qui poussera sur les ruines de celui-ci.

Extrait de Lucioles n°15, Bulletin anarchiste de Paris et sa région, février 2014

« Oui, mais au fond, qu’est-ce que vous voulez ? »

Comme des pierres sur l’eau

« Et donc ? »

Ce numéro d’Adesso sera différent des autres. Nous tenterons de répondre à une question qui nous est souvent posée : « oui, mais au fond, qu’est-ce que vous voulez ? ». Certains s’étonneront peut-être du choix d’un sujet aussi général en cette période où la répression s’échauffe, avec les dernières incarcérations d’anarchistes à Trento et dans le reste de l’Italie. Les choses à dire sur tout cela ne manquent certes pas, et nous les dirons au plus vite. Désormais, même les aveugles devraient se rendre compte que le pouvoir frappe de façon toujours plus ouverte toute forme de dissensus. Cependant, la répression ne doit pas nous couper le souffle en nous forçant à ne suivre que ses temporalités. Le rôle des éternels Cassandre ne nous plaît pas. C’est peut-être pour cela que nous avons senti l’exigence — pourquoi maintenant ?, ce n’est pas facile à dire — d’écrire quelques lignes sur la vie pour laquelle nous nous battons, au-delà des luttes et des épisodes particuliers, et en dépit des policiers, des procureurs, des journalistes et des matons. Les problèmes que nous soulevons — comme par exemple celui d’une société sans prison — seront pour ainsi dire à peine effleurés. Il nous faudrait pour cela bien autre chose qu’un numéro d’Adesso. Nous avons pourtant envie d’essayer, même dans les limites étroites de notre feuille de critique sociale. Mais d’où partir ?

Nous savons qu’il est impossible d’aller au fond de nos désirs, qui sont littéralement sans fond. En même temps, nous n’éprouvons aucune difficulté à admettre que nous avons un idéal. Pour nous, un idéal est un mode quotidien de vivre et en même temps la préfiguration du monde dans lequel nous voudrions habiter. Idée, idéal sont des concepts qui renvoient, étymologiquement, à la capacité visuelle, à la vision. Il s’agit d’une faculté imaginative, de préfiguration, justement.

Préfigurer ne signifie pas construire de minutieuses architectures de mondes alternatifs, des cartes détaillées de la terre d’Utopie. C’est aussi impossible, parce que cela renverrait à une idée de société opposée à celle que nous voulons : ce serait une société planifiée par quelques uns dans l’intention d’ « améliorer l’humanité », même contre… sa propre volonté.

Pour nous, la préfiguration est une image qui traverse l’esprit, une image dans laquelle l’expérience se mêle à la tension et l’espérance, dans laquelle les possibilités du passé rencontrent la rupture du présent. Cette image se nourrit de luttes et de valeurs, de techniques et de savoirs, d’espaces et de temps. Voilà de quoi il sera question dans ce numéro, conscients que ce que nous voulons ne peut que « porter la panique à la superficie des choses ».

Comme des pierres sur l’eau

Nous sommes avant tout des individus. Les définitions, lorsqu’elles ne sont pas des cages, sont comme des pierres jetées sur l’eau : elles créent des cercles toujours plus vastes, sans qu’aucun d’entre eux ne réussisse à contenir entièrement notre individualité. Conscients de cela, les mots ne nous font pas peur. Pourquoi sommes nous anarchistes ?

Parce que nous voulons un monde basé sur la réciprocité et sur l’entraide, et non pas sur la domination et l’exploitation. Un monde sans Etat et sans argent.

Nous reconnaissons la nécessité d’accords — ou, si on préfère, de règles — pour vivre ensemble ; mais, pour nous, les seuls accords dignes de ce nom sont ceux créés et définis librement et réciproquement, et non pas ceux imposés unilatéralement par ceux qui ont le pouvoir de faire les lois et la force militaire pour les faire respecter. Règles et lois ne sont pas du tout synonymes. La loi est un mode bien particulier — basé sur la coercition — de concevoir la règle. Dans la limite des possibilités, nous avons jusqu’à présent cherché à vivre sur la base du libre accord, refusant qu’une autorité décide pour nous.

Nous sommes pour l’entraide, parce que nous savons que l’équité ne suffit pas si elle n’est pas accompagnée d’un sentiment de solidarité conscient et volontaire. Contrairement au modèle libéral qui voit dans la liberté de l’autre une limite à la sienne, nous sentons que notre liberté s’étend à l’infini à travers la liberté des autres. Contrairement au communisme autoritaire, nous savons que l’égalité est la sœur du despotisme si elle n’est pas l’espace dans lequel exprimer les différences individuelles.

Un mode différent de concevoir les règles détermine aussi une manière diverse d’affronter les conflits. Tout d’abord, pour nous chacun répond uniquement de la violation de règles qu’il a lui-même défini et partagé — et non pas de lois que d’autres ont fixé en son nom ; en second lieu, ces mêmes conflits sont affrontés sur un mode non répressif, comme des signaux d’accords inadéquats, comme l’expérimentation de nouveaux rapports. Dans tous les cas, la solution aux désaccords ne doit pas être institutionnalisée dans des organes répressifs -comme les prisons et les ségrégations en tout genre — qui ne feraient rien d’autre que recréer ce pouvoir oppressif et arbitraire dont nous connaissons tous la nature et les conséquences. En bref, la « justice » ne doit jamais être séparée de la communauté qui l’exprime, en s’incarnant dans des organes spécialisés qui tendront avant tout à se reproduire, eux et leurs privilèges. Aucune recette, évidemment, seule une sensibilité anti-autoritaire à affiner sur les ruines de toutes les prisons.

Afin de pouvoir décider ensemble sans pouvoir centralisateur, il est nécessaire de pouvoir dialoguer de manière directe et horizontale. La société pour laquelle nous nous battons est une société du face à face. Une civilisation de masse, comme la civilisation industrielle, spécialise à l’extrême les tâches, crée partout des hiérarchies et rend les individus incapables de comprendre le produit de leurs relations sociales. Parce que la pensée n’est unie à l’action que dans l’individu -les forces sociales sont toujours aveugles-, il est nécessaire que l’activité accomplie soit directe, contrôlée et comprise par les individus eux-mêmes. Le travail salarié est en revanche basé sur l’exact contraire : quelques dirigeants organisent pendant que la masse exécute, incapable de maîtriser et de réparer les machines -dont on devient ainsi un simple appendice-, ni de comprendre le produit de sa propre activité.

Ce n’est que dans les esprits autoritaires que l’universel et le local s’opposent, dans une telle vision il n’y aurait pas d’issue au gigantisme des villes et des appareils productifs. En réalité, ou nous réussirons à réinventer une vie sociale sur des bases plus modestes — du petit au grand à travers des unions horizontales-, sur des techniques plus simples, ou nous nous dirigerons toujours plus vers la désintégration de toute autonomie individuelle et vers le chaos écologique. Il est urgent de dissoudre les liens massifiés -sources de conformisme, de pollution et d’angoisse existentielle — pour en expérimenter d’autres, plus adaptés aux besoins et aux désirs de chacun.

Contrairement à la vision du progrès qui nous est imposée, dans laquelle l’histoire est une sorte de ligne droite qui va des cavernes au Fond Monétaire International, l’humanité a vécu pendant des millénaires dans des communautés sans Etat et sans pouvoir centralisé. Aujourd’hui, il ne s’agit certes pas de rêver à un mythique âge d’or, mais plutôt de redécouvrir dans le passé quels rapports et quelles techniques peuvent nous aider à transformer le présent. Pour nous, la redécouverte d’une nouvelle autonomie (alimentaire, énergétique, médicale, etc.) est indissociable d’un processus révolutionnaire de destruction de l’Etat et du démantèlement de la société industrielle. Réinventer un rapport entre la solitude et la rencontre, la forêt et le village, la campagne et le bourg, n’est pas seulement une tension éthique : c’est une nécessité vitale. Le capitalisme attaque les sources mêmes de la vie — la nourriture, l’air, l’eau — en les transformant en marchandises. Il est pour nous illusoire de penser se retirer dans une quelconque réserve de ce gigantesque supermarché. Elargir les espaces d’autonomie — en expérimentant des formes de vie et de rapports autres — et subvertir le présent ordre des choses, répétons-le, sont des aspects inséparables.

Contrairement à la propagande technologique, pour laquelle tout ce qui est techniquement efficace devient socialement positif, nous pensons que les techniques ne valent que soumises à des considérations éthiques et sociales, et que l’on doit faire marche arrière lorsqu’une prétendue efficacité technique s’obtient grâce à une plus grande spécialisation, un pouvoir plus puissant ou un appauvrissement général des rapports humains.

« Et donc ? »

Certaines de ces réflexions sont désormais banales pour beaucoup de personnes, révolutionnaires ou même seulement critiques. Ce qui nous caractérise comme anarchistes, c’est que nous considérons les fins inséparables des moyens, parce que les méthodes de lutte laissent déjà entrevoir la vie pour laquelle nous nous battons. En dépit du machiavélisme dominant, nous savons qu’en refusant d’employer certains moyens on refuse aussi certaines fins, justement parce que ces dernières sont toujours contenues dans les premiers. On sait, et les exemples historiques foisonnent, où a porté la logique de l’opportunisme, des exceptions tactiques et stratégiques, de la « transition vers le communisme » (qui ne finit jamais mais justifie tout). à des dictatures impitoyables ou à des social-démocraties assassines.

Quelqu’un disait qu’on ne peut combattre l’aliénation avec des formes aliénées. On ne peut reproduire dans ses propres rapports et dans ses pratiques les mêmes dynamiques que celles de la domination qu’on combat. Ainsi, nous sommes pour l’auto-organisation des luttes, c’est-à-dire pour une autonomie face à toutes les forces partidaires et syndicales, pour la conflictualité permanente avec le pouvoir, ses structures, ses hommes et ses idéologies. Ainsi, de même que nous refusons l’imbroglio électoral — par lequel la dictature du capital est occultée — , nous refusons en même temps les leaders, les hiérarchies, les comités centraux, les porte-parole médiatiques (soit les futurs chefs politiques).

Attaquer le pouvoir plutôt que de le reproduire, en déserter les institutions plutôt que d’en mendier les subventions, sont des méthodes qui, dans l’immédiat, peuvent sembler peu efficaces et s’accompagner d’un certain isolement (bien préparé par le lynchage médiatique permanent). A cela, on peut répondre que le sens de ce qui est fait se saisit dans l’activité elle-même, et non pas avec en en mesurant les résultats quantitatifs ; on ne peut mesurer les forces sociales à coup de recensements, notamment parce qu’elles sont imprévisibles : ce que nous percevons, au fond, ne sont que les premiers cercles formés par les pierres que nous lançons. D’autre part, la recherche de la cohérence est la force qui contient toutes les autres, et ceci non pas par adhésion sacrificielle à une doctrine, mais pour le plaisir procuré lorsque l’esprit est en accord avec lui-même. C’est dans l’union de la pensée et de l’action, disait Simone Weil, que se renouvelle le pacte de l’esprit avec l’univers.

Ainsi, ce qui peut sembler du « purisme » (comme disent de façon dépréciative les réalistes) est en fait un mode bien concret de palper l’existence, « dans le fier plaisir de la bataille sociale ». Nous ne croyons pas aux soleils radieux de l’avenir qui surgissent des calculs faits dans les arrière-boutiques. Le monde dans lequel on voudrait habiter doit être le plus possible contenu dans ses propres rapports et comportements. Enfin, en ne collaborant pas avec les institutions, personne ne pourra jamais nous jeter à la figure de cracher dans la soupe -et ça aussi, ça compte.

L’auto-organisation dont nous parlons n’est pas une simple vue de l’esprit. C’est une expérience humaine qui existe depuis la nuit des temps, un grand arsenal théorique et pratique que le passé a transmis au présent. Beaucoup de ce qu’on appelle théories ont été suggérées par la réalité des luttes, par les expérimentations communautaires tout comme par les révoltes audacieuses et solitaires de ceux qui ont eu la détermination de défier le pouvoir, les habitudes et les préjugés de leur époque, de ceux qui ont attiré sur eux les foudres de tous les juges antiques et modernes. Du Moyen-Age à aujourd’hui, les exemples de communautés qui ont aboli la propriété privée et l’Etat, en une tentative passionnée de réaliser sur Terre le bonheur que les religions ont toujours enfermé au royaume des cieux, sont innombrables. Mais nous n’avons pas besoin d’un passé dans lequel chercher des justifications à nos désirs. L’auto-organisation est une réalité qui existe dans le monde actuel, soit comme pratique sociale lors des explosions insurrectionnelles (pensons aux assemblées de quartier en Argentine ou aux aarch en Algérie), soit comme méthode de lutte lors de conflits plus spécifiques (pensons aux récents blocus des nettoyeurs des trains, celui de Scansano Jonio ou de la Campania, aux grèves sauvages des conducteurs de trams et bus). Des milliers d’exploités font l’expérience de l’action directe non par idéologie, mais parce que c’est le seul mode pour arracher quelques améliorations réelles aux patrons. Cette critique anticapitaliste que les intellectuels serviles trouvent vaine, dépassée ou criminelle, de nombreux exploités la mettent en œuvre dans leurs luttes parce qu’ils expérimentent le capitalisme sur leur peau. Et nous, dans tout cela ?

N’ayant aucune mentalité avant-gardiste, nous donnons simplement notre contribution, partout où nous y réussissons, pour favoriser des pratiques d’auto-organisation et d’action directe. Lorsque c’est possible, nous initions en notre nom des situations de lutte sociale, autrement nous intervenons, sur nos bases, dans des luttes menées par d’autres. N’étant pas des spécialistes, nous n’avons aucun champ d’intervention exclusif, notamment parce que cette société a désormais atteint un tel degré d’interdépendance entre ses secteurs qu’il n’est possible d’en modifier en profondeur aucun aspect significatif sans remettre l’ensemble en discussion. Même la requête d’une nourriture non empoisonnée signifie pour être satisfaite — comme quelqu’un l’a déjà écrit — le démantèlement de l’ensemble du système de production, d’échange et de transport existant. Du problème de la dévastation de l’environnement à celui de la guerre, la critique se retrouve face à la société toute entière et à ses chiens de garde lorsqu’elle veut aller au fond des choses. Bien sûr, certaines questions nous tiennent plus à cœur que d’autres, et notamment parce que nous pensons qu’elles sont moins récupérables — c’est-à-dire neutralisables — que d’autres par la domination. Si on peut concevoir qu’un pouvoir produise moins d’incinérateurs ou certaines technologies hautement nuisibles, il n’est pas concevable qu’un pouvoir fasse moins de prisons, de la même façon qu’il n’a jamais existé de fossoyeurs de révolutions qui n’en aient reconstruit. Pourtant, à bien y regarder, le problème même de la prison renvoie à celui de l’autonomie des décisions et de ce que chacun a besoin pour vivre. Tant que nous n’apprendrons pas à préférer le libre accord à l’imposition, la solidarité à la compétition avilissante, la logique du châtiment reconstruira ses cages et ses horreurs. Nous sommes pour la rupture révolutionnaire parce que nous savons que les mentalités serviles ont besoin d’une violente secousse au même titre que les institutions sociales, mais nous savons aussi qu’une insurrection est seulement le début d’un changement possible et non pas une panacée. Prêts à nous unir à quiconque souhaite vraiment abattre la domination actuelle, nous défendrons aussi bec et ongles notre possibilité de vivre sans imposer ni recevoir d’ordres d’une autorité, d’un parti ou d’un comité central. L’expérience historique nous a appris que les pires oppresseurs peuvent endosser l’habit du révolutionnaire, et nous ne voulons certainement pas nous retrouver alliés avec les étrangleurs de toute spontanéité subversive et de toute liberté. Pour nous, l’unique violence acceptable est celle qui libère et n’asservit pas, celle qui détruit le pouvoir et ne le reproduit pas, celle qui défend à chacun la possibilité de vivre à sa façon. Imposer la liberté est un contre-sens. Si je devais dresser l’échafaud pour vaincre, disait Malatesta, je préférerais alors perdre.

Que le chœur des intelligences soumises répète qu’une révolution est impossible ne nous impressionne ni ne nous étonne. N’est-ce pas ce que les trente tyrans répétaient aux démocrates athéniens, les aristocrates aux bourgeois, les latifundistes aux paysans mexicains, les démocrates aux anarchistes espagnols, les bureaucrates staliniens aux insurgés hongrois, les sociologues aux enragés du mois de Mai ? « Celui qui fait la révolution à moitié creuse sa propre tombe ». C’est le seul enseignement que nous voulons tirer de ceux qui nous ont précédé sur la route d’une révolution anarchiste.

Nous considérant comme des exploités aux côtés des autres exploités, nous pensons que notre impatience, notre détermination à attaquer ici et maintenant font aussi partie du conflit de classe. Nous n’admettons pas de hiérarchie fondée sur les risques prévus par le code pénal : un tract a la même dignité qu’un sabotage, parce que pour nous l’action directe ne s’oppose pas à la diffusion des idées.

Les années à venir seront lourdes de conflits, certains difficiles à déchiffrer, d’autres clairs parce que nets comme les barricades. Le terrain de l’acquiescement et de la soumission se fissure, de nombreux signes d’insatisfaction le révèlent. L’auto-organisation reviendra cogner avec force à la porte de la guerre sociale.

Nos complices sont et seront tous les individus disposés à se battre pour conquérir la liberté avec les autres, et prêts aussi à risquer la leur.

Prison de Trento, 23 juillet 2004

Adesso
CP 45
38 068 Rovereto (TN)
Italie

 

Apostasie

n. f. (du grec apostasia, abandon)

Anciennement le mot apostasie ne s’employait guère que pour désigner l’abandon d’une religion en faveur d’une autre : Ex. : L’apostasie de l’empereur Julien. Mais le mot n’a pas tardé à avoir une acception plus large et à désigner également l’abandon d’un parti ou d’une doctrine sociale. Ex. : L’apostasie du politicien Alexandre Millerand, en France ; L’apostasie du politicien Mussolini, en Italie ; L’apostasie du politicien Vandervelde, en Belgique ; du politicien Branting, en Suède, du crapuleux, de l’infect Gustave Hervé, en France, etc… L’apostasie, en matière de politique, peut avoir parfois pour cause des mobiles d’ordre intellectuel ou sentimental. Mais c’est là un cas très rare. Partisans de l’absolue liberté de pensée et d’action pour chacun, nous ne pouvons que déplorer le peu d’esprit de suite et de persévérance des compagnons qui se retirent de la lutte après avoir milité ouvertement. Mais nous ne pouvons les condamner, s’ils ont la pudeur de disparaître de la scène sociale et de ne pas aggraver leur désertion d’une trahison. D’ailleurs, il se peut que la lutte ait épuisé l’énergie ou les forces intellectuelles d’un homme : dans ce cas, sa retraite nous inspire des regrets, mais sollicite toute notre indulgence. Toutefois, comme nous l’avons dit, le cas d’une apostasie propre est très rare. Généralement l’apostat est un politicien qui estime qu’en passant dans un autre camp, il aura plus de profits qu’en restant dans le camp où il se trouve. A la base d’une apostasie, on retrouve presque régulièrement ces deux mobiles : l’argent et les honneurs. C’est pour cela que lorsqu’un parti ou un groupement social est pauvre, on peut compter ses militants. Mais dès que le parti devient riche, il se présente de toutes parts des politiciens désireux d’offrir leurs services. Les partis les plus riches en argent sont toujours les plus riches en politiciens, politiciens venus d’autres partis ou d’autres sectes dont la caisse sonnait le vide. D’autre part, les partis politiques naissants sont généralement pauvres en argent, mais ils sont riches en espoir de développement. Aussi recrutent-ils facilement des ambitieux qui calculent qu’en ayant un peu de patience, il pourront se faire la place convoitée. Ces ambitieux-là savent, en effet, que dans les partis déjà vieux, les cadres sont pleins et qu’ils auraient à surmonter d’innombrables difficultés pour se tailler une part suffisante du gâteau. Et c’est à cause de toutes ces considérations, que les anarchistes peuvent avoir pleine confiance dans leurs militants. Les politiciens ne s’aventurent pas chez eux puisqu’ils n’y pourraient récolter que la misère et les persécutions. Inutile, naturellement, de multiplier les exemples d’apostasie : la chose est devenue tellement courante en politique, qu’il n’y a qu’à regarder autour de soi pour considérer des renégats de toute espèce.

Georges Vidal

Blanqui ou l’Insurrection d’État

Louis Auguste Blanqui (1805–1881) nous laisse au mieux un slogan et un livre. Le premier est ce Ni Dieu ni Maître qui fut le titre du journal qu’il fonda en novembre 1880, quelques mois avant sa disparition. Le second est le fascinant L’Eternité par les astres, une méditation sur l’existence de mondes parallèles et sur l’éternel retour. Un cri de bataille et un ouvrage philosophique d’astronomie : voilà tout ce qui mérite d’être retenu de Blanqui. Le reste, nous le laissons volontiers à la poubelle de l’histoire, qu’il s’agisse de ses autres journaux (comme La patrie en danger) ou de sa politique avant-gardiste et autoritaire.

Tous ne partagent pourtant pas cette conviction, à tel point que ces derniers temps, certains s’évertuent même de remettre à l’honneur ce nom qui semblait destiné à l’oubli. Sa redécouverte a été menée par les subversifs autoritaires les plus énergiques et les moins rigides, habiles dans l’art de flairer l’air du temps. Face à l’effondrement toujours plus impétueux de cette société, face à l’extension permanente du feu des émeutes, ils se sont rendus compte qu’il était plus probable (et aussi plus désirable) que se cache une insurrection qui vient au coin de la rue qu’une victoire électorale de l’extrême-gauche (qui se retrouverait par ailleurs à devoir gérer et résoudre une situation dont aucune issue ne serait indolore). Sans cela, ils auraient couru le risque de laisser le champ libre à ces rustres d’anarchistes, les seuls à n’avoir jamais abandonné les perspectives insurrectionnelles, même lors des années les plus grises de la pacification sociale. Ces autoritaires se sont aussi rendu compte que les sinistres ancêtres de la critique sociale, leurs soi-disant «classiques», ne pouvaient leur être d’aucune aide, vu qu’ils ont perdu leur éclat depuis longtemps déjà. Après leur avoir dressé des autels pendant plus d’un siècle, après avoir fait de leur pensée des phares lumineux au milieu d’une bourrasque révolutionnaire qui a terminé par le plus honteux des naufrages, leurs noms n’offrent désormais plus aucune garantie. Au contraire, ils provoquent de véritables phénomènes allergiques de rejet. Blanqui l’oublié, ce grand représentant de l’insurrectionalisme autoritaire, présente à l’inverse toutes les caractéristiques pour servir de référence historique alternative, originale, charismatique, à la hauteur de l’époque qui vient.

Marx, qui réchauffait les fauteuils du British Museum pour enseigner la plus-value ou la subsomption du capital, ou Lénine, travaillant dans un comité central pour préparer le triomphe de la bureaucratie de parti, disons la vérité, n’attisent plus grand chose. Mais Blanqui, grand Dieu, quel homme ! Il y a d’abord sa vie –auteur de nombreuses tentatives insurrectionnelles, surnommé l’Enfermé pour avoir passé 33 années derrière les murs des prisons impériales françaises–, qui suscite un respect inconditionnel à même de réduire toute critique éventuelle, sinon au silence, du moins à la prudence. Et puis il y a aussi son action militante explosive, son agitation incessante, son activisme fervent, liés à un langage simple et immédiat, qui exprime une pensée communiste réfractaire au froid économicisme marxiste. C’est d’ailleurs là que réside sa force d’attraction actuelle. Vu le manque de recul, en une époque où les yeux doivent être perçants, ne serait-ce que pour trouver des alliances, Blanqui peut être apprécié par tout un chacun : par les autiautoritaires qui ont soif d’action, comme par les autoritaires en mal de discipline. S’il avait été à son époque un peu snobé par les érudits du socialisme scientifique (qui reconnaissaient ses bonnes intentions mais lui reprochaient au fond les mêmes défauts qu’à Bakounine), et combattu fermement par les ennemis de toute autorité, il dispose aujourd’hui –en pleine éclipse du sens– de toutes les cartes en main pour prendre sa revanche.

Blanqui n’était en effet pas seulement un agitateur permanent et fougueux (et là les libertaires s’évanouissent d’émotion), c’était également un dirigeant permanent et calculateur (et là les orphelins du communisme d’État se confondent en applaudissements). Il a joint le courage des barricades au martyr de l’enfermement, l’oeil perdu à scruter le firmament. Il n’a pas formulé de grands plans théoriques, d’élaborations sophistiquées indigestes pour les estomacs contemporains étriqués, il a aussi donné ses instructions pour une prise d’armes. Blanqui ne prétend pas élaborer des réflexions profondes, parce que les réflexes préparés d’avance lui suffisent. C’est l’icône révolutionnaire parfaite pour le marché d’aujourd’hui, à présent que les systèmes complexes sur lesquels se prendre la tête ne sont plus appréciés. Aujourd’hui, on veut des émotions intenses à consommer. Et Blanqui ne nous assomme pas avec des discours abstraits, c’est un type pratique, lui. Direct. Un de ceux à écouter, duquel on a tous à apprendre, et auquel on peut donc se fier. Voilà pourquoi il a été exhumé. Voilà pourquoi, parmi les nombreuses incarnations de la dictature révolutionnaire, c’est le seul qui puisse passer pour un aventurier fascinant plutôt que se révéler immédiatement comme un homme de pouvoir mesquin. Avec un siècle et demi de retard, Blanqui les attrape tous. S’il avait un compte Facebook, il ferait une hécatombe de «J’aime».

Une réévaluation rendue plus alléchante encore par sa tactique d’action. Récemment, vous avez vu la classe ouvrière terroriser la bourgeoisie, ou plutôt un sourire s’épanouir sur le visage de Marchionne [dirigeant de la Fiat depuis 2004] ? Vous vous êtes rendu compte à quel point le prolétariat se bat pour son émancipation plutôt que comment il balance aux flics les manifestants les plus chauds ? Vous avez entendu les rues gronder de masses d’insurgés se dirigeant vers le Palais présidentiel plutôt que de masses de supporters se rendant au stade ? Vous avez remarqué combien les exploités se passionnent pour la critique sociale radicale plutôt que pour la dernière émission de reality-show ? Dans ses mémoires, Bartolomeo Vanzetti se souvient de ses heures nocturnes passées à parcourir des livres, arrachées avec détermination au sommeil réparateur des fatigues du travail. C’était un ouvrier, mais il passait son temps libre à étudier : pour comprendre, pour savoir, pour ne pas rester de la matière première prise au piège par les engrenages du capital (ou par la dialectique de quelque intellectuel). Aujourd’hui, les cernes des travailleurs ont d’autres causes. Ceux qui veulent participer à la guerre sociale en cours doivent donc tenir compte de cette évidence : les masses se foutent de la révolution.

Mais ce n’est plus un problème, vraiment, et vous savez pourquoi ? Parce que Blanqui se foutait des masses. Il n’en avait pas besoin. Une élite lucide, capable, hardie, prête à déclencher un coup bien calibré au moment opportun lui suffisait. Les masses, comme d’habitude, se seraient adaptées au fait accompli. En somme, même au beau milieu de l’aliénation capitaliste actuelle, certains nous redonnent de l’espoir. Les léninistes sont dépassés, eux qui ne se rendent pas compte qu’il n’est plus utile de construire le grand parti à même de guider les exploités. Les anarchistes aussi sont dépassés, eux qui sont stupides au point de ne pas s’apercevoir qu’il n’y a plus de conscience à diffuser parmi les exploités, pour éviter qu’ils ne finissent aux mains des partis. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une poignée de conspirateurs subversifs capables d’élaborer et d’appliquer la stratégie correcte. Un coup de main, et la question sociale est résolue ! Il faut l’admettre – Blanqui est l’homme juste, redécouvert au moment juste par des personnes qui ne peuvent qu’être justes.

Si justes d’ailleurs, qu’elles se gardent bien de prendre en considération la pensée de Blanqui dans son essence, détestable sous bien des aspects. Et ils le savent. Ses amis imaginaires en sont tellement conscients qu’ils se limitent à en vanter la puissance, le style, le sentiment, la détermination (qualités toutes admirables sans doute, mais qui ne nous disent pas grand chose sur celui qui les possède : Napoléon, Mussolini ou Ben Laden auraient aussi pu s’en vanter). Quant à ses amis réels, comme le communard Casimir Bouis, par ailleurs son éditeur, ils n’avaient pas de doutes sur le pourquoi du prestige de Blanqui :

« C’est l’homme d’État le plus complet que possède la révolution. »

Oui, la puissance blanquiste, le style blanquiste, le sentiment blanquiste, la détermination blanquiste – toutes choses mises au service d’un projet politique bien précis : la conquête du pouvoir. Et cela, même son surprenant traité d’astronomie, même son slogan le plus juste, ne réussiront jamais à nous le faire oublier.

Qui sait pourquoi parmi tous les braves gens qui veulent dresser les louanges d’un conspirateur du passé, d’un barricadier, d’un persécuté influent sur le mouvement, le nom de Bakounine n’est venu à l’esprit d’aucun ? Parce que si on se souvient du nom de Bakounine comme de celui d’un démon de la révolte, comme un synonyme de liberté absolue, celui de Blanqui serait plutôt synonyme de dictature. Bakounine souhaitait l’«anarchie», Blanqui annonçait l’«anarchie régulière» (il n’est pas adorable cet adjectif ?). Bakounine invoquait le «déchaînement des mauvaises passions», Blanqui prescrivait qu’«aucun mouvement militaire ne devant avoir lieu que d’après l’ordre du commandant en chef, il ne sera élevé de barricades que sur les emplacements désignés par lui» (le commandant auto-désigné, cela va sans dire, c’était lui, évidemment). Bakounine recherchait chez les conspirateurs quelqu’un de :

« Pleinement convaincu que l’avènement de la liberté est incompatible avec l’existence des États. Il doit vouloir pour cela la destruction de tous les États en même temps que celle de toutes les institutions religieuses, politiques et sociales, dont : les Églises officielles, les armées permanentes, les ministères, les universités, les banques, les monopoles aristocratiques et bourgeois. Cela afin que sur leurs ruines puisse finalement surgir une société libre, qui s’organise non plus comme aujourd’hui de haut en bas et du centre à la périphérie à travers l’unité et la concentration forcée, mais plutôt en partant du libre individu, de la libre association et de la commune autonome, de bas en haut et de la périphérie au centre, à travers la libre fédération. »

Blanqui cherchait quelqu’un qui, à la question «juste après la révolution, est-ce que le peuple pourra se gouverner de lui-même ?», réponde : «l’état social étant gangrené, pour passer à un état sain, il faut des remèdes héroïques. Le peuple aura besoin, pendant quelque temps, d’un pouvoir révolutionnaire» ; et qui mettrait en acte ses dispositions immédiates comme la «substitution du monopole [d’État] à la place de tout patron expulsé… Réunion au domaine de l’État de tous les biens meubles et immobiliers des Églises, des communautés et congrégations des deux sexes, comme de leur prête-nom… Réorganisation du personnel de la bureaucratie… Remplacement de toutes les contributions directes ou indirectes par un impôt direct, progressif sur les successions et sur les rentes… gouvernement : dictature parisienne».

Si au cours du XIXe siècle, Bakounine et Blanqui n’ont pas été que deux révolutionnaires comme beaucoup d’autres, si leur nom a acquis une telle réputation, c’est parce qu’ils ont été l’incarnation de deux idées différentes et opposées, parce qu’ils ont représenté pour le monde entier les deux visages possibles de l’insurrection : celui anarchiste contre l’État, et celui autoritaire en faveur d’un nouvel État (d’abord républicain, puis socialiste, et enfin communiste). Se sentir proche de l’un ou de l’autre, constitue en soi encore aujourd’hui le choix d’un camp sans équivoque.

Pour Blanqui, l’État représentait l’instrument moteur de la transformation sociale, vu que «le peuple ne peut sortir du servage qu’avec l’impulsion de la grande société de l’État, et il faut un beau courage pour défendre le contraire. En effet, l’État n’a pas d’autre mission légitime». Critiquant les idées proudhoniennes, il arguait que toute théorie qui prétendait émanciper le prolétariat sans avoir recours à l’autorité de l’État lui semblait une chimère ; pire, il s’agissait «peut-être» d’une trahison. Il n’était pas ingénu au point de se créer des illusions. Il était simplement persuadé que «bien que tout pouvoir soit par nature oppresseur», tenter de s’en passer ou de s’y opposer reviendrait à «convaincre les prolétaires qu’il serait facile de marcher pieds et poings liés». Ceux qui tenteraient donc de faire passer la réévaluation de l’Enfermé au nom d’un intérêt pour la seule pratique de l’insurrection, d’une nécessité technique qui irait au-delà de toute perspective commune, ceux-là mentiraient délibérément (à l’exception naturellement des nigauds libertaires dont ce n’est même pas la peine de parler). Si Blanqui recherchait bien un accord «sur le point capital, je veux dire les moyens pratiques qui, en définitive, sont toute la révolution», il ne cachait pas par ailleurs le lien qui unit l’action à la pensée :

« Les moyens pratiques se déduisent des principes et dépendent aussi de l’appréciation des hommes et des choses. »

Un de ses textes les plus connus, ces Instructions pour une prise d’armes qui ont continué après les Situationnistes à fasciner tant de jeunes intellectuels aspirants généraux d’une nouvelle armée rouge, n’est pas qu’un manuel pour des insurgés. Ce n’est pas pour rien que la revue Critique sociale l’avait déjà publié en 1931, non pas attirée par son «côté strictement militaire et anachronique», mais pour souligner «la valeur de cette importante contribution à la critique des soulèvements anarchiques». En effet, ces Instructions sont une apologie permanente du besoin d’une autorité capable de mettre fin à une liberté considérée comme contre-productive. C’est le cri écœuré d’un homme d’ordre à la vue de tant de désordres :

« De petites bandes vont désarmer les corps de garde ou saisir la poudre et les armes chez les arquebusiers. Tout cela se fait, sans concert ni direction, au gré de la fantaisie individuelle. »

Ce texte est un acte d’accusation contre :

« Le vice de la tactique populaire, cause certaine des désastres. Point de direction ni de commandement général, pas même de concert entre les combattants… les soldats n’en font qu’à leur tête. »

En somme, si l’insurrection est défaite malgré le courage et l’enthousiasme de ceux qui y prennent part, c’est parce qu’il «manque l’organisation. Sans organisation, pas de possibilité de succès». Cela semble évident, mais comment obtient-on cette organisation, cette coordination, cet accord entre les insurgés ? A travers la diffusion horizontale, préventive et la plus étendue possible, d’une conscience, d’une attention, d’une intelligence sur les nécessités du moment (hypothèse libertaire), ou bien à travers l’instauration verticale d’un commandement unique qui exige l’obéissance de tous, ce tous tenus jusqu’alors dans l’ignorance (hypothèse autoritaire ?). Blanqui a bien entendu ses instructions pratiques à donner en la matière :

« Une organisation militaire, surtout quand il faut l’improviser sur le champ de bataille, n’est pas une petite affaire pour notre parti. Elle suppose un commandement en chef et, jusqu’à un certain point, la série habituelle des officiers de tous grades. »

Afin d’en finir avec «ces soulèvements tumultueux, à dix mille têtes isolées, agissant au hasard, en désordre, sans nulle pensée d’ensemble, chacun dans son coin et selon sa fantaisie», Blanqui ne cesse de fournir sa recette :

« Il faut encore le répéter : la condition sine qua non de la victoire, c’est l’organisation, l’ensemble, l’ordre et la discipline. Il est douteux que les troupes résistent longtemps à une insurrection organisée et agissant avec tout l’appareil d’une force gouvernementale. »

Voilà la pratique blanquiste de l’insurrection : une organisation sans pitié pour l’ennemi, mais qui sait imposer en son sein ordre et discipline, sur le modèle de l’appareil d’une force de gouvernement.

Pour nous, cette puanteur de caserne ne provoque qu’horreur et dégoût. Même s’il devait flotter dessus un drapeau rouge ou rouge et noir, ce serait toujours un lieu d’écrasement et d’abrutissement. Une insurrection qui, plutôt que de se développer en liberté à bride abattue, se mettrait au garde-à-vous devant une autorité serait perdue d’avance, elle deviendrait le simple vestibule d’un coup d’État. Contre cette possibilité lugubre, on peut heureusement toujours faire confiance à l’enivrant plaisir de la révolte qui, une fois qu’elle explose, est capable d’envoyer valser tous les calculs de ces stratèges.

Maurice Dommanget, qui a dédié à Blanqui une vie entière de dévotion, rapporte le climat qui régnait à Paris lors de la tentative insurrectionnelle du 12 mai 1839 :

« Blanqui cherchait à donner des ordres, à empêcher les désertions qui commençaient, à “vouloir organiser la foule”, tâche difficile, vu que presque personne ne le connaissait. Tous criaient. Tous voulaient commander. Et personne obéir. C’est alors que s’est produite une dispute plutôt vive et symptomatique entre Barbès et Blanqui, que personne n’avait jusqu’à présent signalée. Barbès accusa Blanqui de tous les avoir laissés tomber, Blanqui accusa Barbès d’avoir découragé tout le monde par sa lenteur, et provoqué le départ des pusillanimes et des traîtres. »

Lorsque l’insurrection éclate, lorsque la normalité cesse à l’improviste de freiner les possibilités humaines, lorsque tous veulent commander parce qu’aucun ne veut plus obéir, les prétendus chefs perdent toute autorité, s’empressent inutilement de donner des ordres, en viennent à se disputer entre eux. Le désordre des passions a été et sera toujours le meilleur et le plus efficace antidote à l’ordre de la politique.

La meilleure façon de comprendre l’abysse qui sépare la conception autoritaire de l’action insurrectionnelle de celle qui se veut antiautoritaire, est peut-être de les mettre face à face dans la même période, au sein du même contexte historique. Rien n’est plus instructif à ce propos qu’une comparaison entre Blanqui et Joseph Déjacque, l’anarchiste français proscrit après avoir participé aux journées de 1848. Quel est le modèle organisationnel dont Blanqui se fait l’apôtre ? Une structure pyramidale, rigidement hiérarchisée, comme par exemple sa Société des Saisons qui a précédé la tentative insurrectionnelle de mai 1839 : son premier élément était la semaine, composée de six membres et soumise à un dimanche ; quatre semaines formaient un mois, aux ordres d’un juillet ; trois mois formaient une saison, dirigée par un printemps ; quatre saisons formaient une année, commandée par un agent révolutionnaire ; et ces agents révolutionnaires constituaient ensemble un comité exécutif secret, inconnu des autres affiliés, dont le généralissime ne pouvait être que Blanqui. Au moment crucial, lorsque fut enfin décrétée l’insurrection, le comité de la Société des Saisons diffusa un appel au peuple, où il lui communiquait que «le gouvernement provisoire a choisi des chefs militaires pour diriger le combat : ces chefs sortent de vos rangs ; suivez-les, ils vous mèneront à la victoire. Sont nommés : Auguste Blanqui, commandant en chef…». Les expériences qui ont suivi ne l’ont pas fait changer d’avis, comme le démontrent, en plus de la publication des Instructions pour une prise d’armes déjà citée et qui remonte à 1868, la société républicaine centrale de 1848 ou la Phalange et ses groupes clandestins de lutte en 1870. Toute sa vie, Blanqui n’a jamais cessé de comploter contre le gouvernement en place, mais toujours de manière militariste, hiérarchisée et centralisatrice, toujours dans le but d’instaurer un comité de salut public à la tête de l’État. A l’opposé, Déjacque évoquait dans ses notes à la Question révolutionnaire (1854) la possibilité et l’urgence de passer à l’attaque avec des sociétés secrètes, incitant à la création de petits groupes autonomes : «que tout révolutionnaire choisisse, parmi ceux sur lesquels il croit pouvoir le mieux compter, un ou deux autres prolétaires comme lui. Et que tous, — par groupes de trois ou quatre n’étant pas reliés entre eux et fonctionnant isolément, afin que la découverte de l’un des groupes n’amène pas l’arrestation des autres, — agissent dans un but commun de destruction de la vieille société». De la même manière, dans les pages de son journal Le Libertaire (1858), il rappelait comment grâce à la rencontre entre les subversifs et les classes dangereuses, «la guerre sociale prend des proportions quotidiennes et universelles… Nous nous complétons, nous, la plèbe des ateliers, d’un élément nouveau, la plèbe des bagnes… Chacun de nous pourra continuer à faire de la rébellion selon ses aptitudes». Là où Blanqui “invitait” le peuple à demeurer une masse de manœuvre, encadrée, disciplinée et obéissante aux ordres de ses chefs autoproclamés, Déjacque s’adressait à chaque prolétaire pour le pousser à l’action libératrice, sur la base de ses propres capacités et aptitudes et avec ses complices les plus proches. Il n’est donc pas étonnant que le même Déjacque ait marqué au fer rouge les aspirations dictatoriales de Blanqui :

« L’autorité gouvernementale, la dictature, qu’elle s’appelle empire ou république, trône ou fauteuil, sauveur de l’ordre ou comité de salut public ; qu’elle existe aujourd’hui sous le nom de Bonaparte ou demain sous le nom de Blanqui ; qu’elle sorte de Ham ou de Belle-Ile ; qu’elle ait dans ses insignes un aigle ou un lion empaillé… la dictature n’est que le viol de la liberté par la virilité corrompue, par les syphilitiques. »

Là encore, se sentir proche de l’un ou de l’autre n’est pas indifférent, et constitue le choix d’un camp sans équivoque.

Il y a enfin un dernier aspect de Blanqui qui, pour un œil attentif, a peut-être semblé méritoire d’être dépoussiéré – il s’agit de son opportunisme. Affichant un certain désintérêt pour les questions théoriques et un fort attachement aux seuls problèmes matériels de l’insurrection, Blanqui est le pionnier d’une tendance aujourd’hui plutôt à la mode dans les milieux subversifs : le tacticisme (recours sans scrupules à des manœuvres ou des expédients pour obtenir des autres ce qu’on désire) au nom de la tactique (technique d’utilisation et de manœuvre de moyens militaires). Les spécialistes de Blanqui emploient en général le terme éclectisme pour décrire ses changements habiles et intéressés de positions. Sa conception de l’insurrection comme résultat d’un mouvement stratégique et non comme un fait social, le portait en effet à conclure que la fin justifiait tous les moyens. Pour lui, ce n’est pas la manière qui comptait, mais le résultat, c’est-à-dire la conquête effective du pouvoir politique. Voilà pourquoi, malgré son goût pour les conspirations, il tenta en 1848 de diriger un mouvement démocratique favorable à la participation aux élections. Comme le rappela son camarade Edouard Vaillant, son porte-parole au congrès de la Première Internationale à Londres en septembre 1871 :

« L’œuvre de la révolution était la destruction des obstacles qui obstruaient la voie : son premier devoir était de “désarmer la bourgeoisie, d’armer le prolétariat”, armer le prolétariat de toutes les forces du pouvoir politique conquis, pris à l’ennemi. Dans ce but, les révolutionnaires ont du partir à l’assaut du pouvoir, marcher contre lui sur tous les chemins : agitation, action, parlement, etc. Ils ne se sont pas enfermés dans la “prison modèle” d’un dogmatisme quelconque. Ils n’ont pas de préjugés. »

Cette absence de «préjugés» –qui à l’époque, au-delà de toute cohérence éthique, étaient au moins des intuitions dictées par un minimum d’intelligence– a mené Blanqui à des résultats parfois embarrassants. En 1879, quelques années après avoir tonné qu’«il faut en finir avec le désastreux prestige des assemblées délibérantes», il tenta sans y parvenir de se faire élire député de Lyon. Pour réaliser ce louable projet insurrectionnel, il demanda de l’aide à son ami Georges Clémenceau, alors député radical, auquel il écrivait :

« Devenez à la Chambre l’homme de l’avenir, le chef de la révolution. Elle n’a su ni pu en trouver depuis 1830. La chance lui en donne un, ne le lui enlevez pas. »

Comme chacun le sait désormais, Clémenceau fera effectivement une grande carrière, devenant d’abord sénateur, puis ministre de l’Intérieur, et par deux foix Président du Conseil. C’est à force de sanglantes répressions de grèves et de révoltes qui culmineront par plusieurs massacres de prolétaires, à force de chasses sans pitié aux subversifs de tous bords, sans parler de son interventionnisme lors de la Première guerre mondiale, qu’il gagnera le surnom de «premier flic de France». On ne peut pas dire que Blanqui ait été très clairvoyant lorsqu’il a justement demandé au futur chef de la réaction de devenir le chef de la révolution ! Mais au fond, ce n’est pas si étrange. Il avait vu en Clémenceau l’étoffe du leader politique, du condottiere. Il ne parvenait pas à comprendre que le pouvoir est la tombe de la révolution.

Voilà pourquoi nous n’avons aucune raison de rendre hommage au cadavre de cet aspirant dictateur. Au-delà peut-être d’un slogan et d’un livre, sa mémoire reste puante. Puante comme sa puissance d’État-major, son style militaire, son esprit de caserne, sa détermination en tenue camouflage («ses amis étaient convaincus que la personnalité dominante en lui était celle d’un général», écrivait le bon Dommanget). Que ses admirateurs, vieux ou nouveaux chefs de file du parti de l’insurrection d’État aillent donc fouiller dans sa tombe, pour en respirer les miasmes avec émotion. Avec les tremblement telluriques de ces derniers temps, qui sait s’ils ne finiront pas ensevelis aux côtés de leur Maître – l’éternité par la fange.

“Blanqui o l’insurrezione di Stato” publié sur Finimondo le 3 décembre 2011. Traduit de l’italien dans Salto, subversion & anarchie, n°1, Bruxelles, mai 2012.

[zad] intervention pendant le concert de “re-construction”

Communiqué du 20 mai

On s’est retrouvées à 5,6 (10 parfois) dans une cabane aujourd’hui et on a eu besoin d’ecrire ensemble pour exprimer nos ressentis. On sait que cet avis est partagé plus largement. Nous ne partageons pas la strategie actuelle de communication faite au nom de la zad et voulons faire entendre notre voix, celle de celleux qui sont souvent invisibilisés ou censurés.

La dernière manif de reconstruction du gourbi avait été une opération de com axée sur la symbolique, et destinée a diffuser de belles photos. Cela ne fait pas sens pour nous. L’action qui avait été organisée était une fois de plus déconnectée de nos réalités.

Lors de ce dimanche 15 avril la Grée avait été nassée par les flics avec une 100aine de copaines à l’interieur tandis que 5000 personnes s’étaient retrouvées pour déplacer des charpentes en tronçonner des arbres sur leur passage, charpente finalement détruite le lendemain matin.

Aujourd’hui encore nous assistons à un mouvement qui se veut spectaculaire alors qu’il se passe plein d’autres de choses sur la Zad et que nous avons besoin de soutien quotidien pour faire face à l’occupation militaire et continuer à défendre des espaces libres et non motorisé. Nous avons besoin de personnes qui viennent habiter, occuper la forêt, construire des cabanes et des barricades et vivre ici tout simplement.

Habitante ou juste de passage, chacune doit pouvoir proposer des projets, avoir des opnions, vivre et exister ici. Alors des ce soir nous vous invitons a venir aux Domaines libérées et a la Grée pour prendre part aux différentes dynamiques en cours.

C’est ainsi que nous défendons la zad du champ des possibles.

Des copaines, habitantes expulsées ou de passage.

A nos ami.e.s…

[fr] A nos ami.e.s…
… c’est l’action qui donne lieu à la pensée !

D’abord, dans les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, nous commençons par vous demander si vous êtes vraiment prêt.e.s à partir, de lever l’ancre et déferler les voiles, de reconsidérer toute la route et se laisser porter par les courants sur un nouveau voyage à travers la tempête sociale. Les marées de notre colère nous mèneront à des falaises dangereuses, le naufrage fera partie du voyage et nous aurons la force de recommencer. Un équipage de naufrages en route vers l’inconnu, composé de simples compas sans un nord à suivre. Nous regarderons les étoiles et serons guidés par nos utopies.

Nous sommes infini.e.s et infinies sont les trajectoires de notre voyage.

Pirates de notre présent, saboteureuses de notre avenir, ami.e.s et amoureux amoureuses de nos idées.

Partons maintenant pour une grande guerre contre les oppresseurs et pas une guerre entre opprimés, avec la conscience que rien nous appartient, à ce que rien n’est indispensable et que le futur n’a aucun sens s’il nous empêche de vivre aujourd’hui ce que nous nous sommes promis de nous donner demain… les rêves deviennent réalité. A nous les mers et à nous
la vie car rien ne commence et rien ne finit, car c’est ici et maintenant que nos cœurs battent.

[it] A nostri amici…
… é l azione che da origine al pensiero !

Innanzitutto date le circostanze in cui ci troviamo, cominciamo col chiedervi se siete veramente pronti a partire, a levare le ancore e ammainiare le vele, a ridiscutere tutta la rotta e a lasciarvi trasportae assieme a noi dalle correnti in un nuovo viaggio attraverso la tempesta sociale. Le maree della nostra rabbia ci condurranno verso scogliere pericolose, il naufragio sara parte del viaggio e a noi sara la forza di ricominciare. Una ciurma di naufragi in rotta verso l ignoto , composta da singole bussole libere senza un nord da seguire. Guarderemo le stelle e ci faremo condurre dalle nostre utopie.

Noi siamo infinito e infinite sono le traiettorie del nostro viaggio.

Pirati del nostro presente,sabotatori del nostro futuro, amici e amanti delle nostre idee.

Salpiamo ora per una grande guerra agli opressori e non una guerra tra oppressi, con la consapevolezza che nulla c appartiene che nulla é indispensabile e che il futuro non ha senso se ci impedisce di vivere oggi quello che siamo con la promessa di darci domani i nostri sogni avverati. A noi i mari e a noi la vita perche nulla comincia e nulla finisce e perche é qui e ora che i nostri cuori battono. 

L’appel de la pioche du 13-12, zad

paru sur zadresist.antirep.net, le 5 Mai

Des voix de l’Est résonne la Pelle du 13 12 mai, pour que la Zad reste une zone libérée, anti capitaliste, anti autoritaire, décroissante, respectueuse de son environnement. L’heure à pioche, préparons la riposte : reconstructions, réoccupation, chantiers collectifs, concerts de soutien à la Zad.. 

L’appel de la Pioche du 1312 mai sur la Zad de NDDL :

Le 14 mai 2018 est la date prévue pour la 2e vague de destruction de la
ZAD de Notre Dame des Landes. Le Gouvernement, dans sa quête de faire régner l’ordre républicain sur zone, projette d’expulser toute personne dans l’illégalité, n’ayant pas rempli son petit formulaire de projet individuel agricole.

L’heure à pioche, préparons la riposte !

Maintenant que le projet d’aéroport a été abandonné, la lutte contre son monde reste une brûlante nécessité. Venir défendre la zad, c’est venir défendre les utopies pirates et émancipatrices qui ont fleuri partout sur la zone.
Les destructions qui ont eu lieu depuis le 9 avril dernier sont d’une monstruosité 100 noms et face à cette absurde démonstration de force, à la stigmatisation de celleux qui occupent la zone, face au désastre écologique et humain ainsi provoqué, nous souhaitons préparer la riposte.

Des voix de l’Est résonne la Pelle du 13 12 mai, pour que la Zad reste une zone libérée, anti capitaliste, anti autoritaire, décroissante, respectueuse de son environnement.

Au programme :

  • Réoccupation du terrain, réappropriation des axes routiers
  • Reconstructions, chantiers collectifs, ateliers
  • Actions pour faire face à l’oppression militaire, ainsi qu’à l’autoritarisme dans nos luttes.
  • Concerts de soutien.

A tous les punks à chiens, les chats sans punks, les schlags sans laisse, les inadapté.e.s, les margin-eaux, et autres dé-terre-miné.e.s ramenez vos pioches à La Grée à partir du 13-12 mai (et à tout jamais!).

Pour faire de la Zad une Zone d’Autonomie Définitive.

Email Email de contact: chatonfarouche_AT_riseup.net

Un tract chiant de plus ?

paru sur dialectical-delinquents.com, le 14 Avril
Les tracts servent en général à répéter les mêmes banalités, à servir de publicité pour les entreprises syndicales et politiques, en ignorant l’essentiel : l’horrible futur qui nous guette, si la tendance à éviter d’affronter ce sinistre présent
perdure.
La période est à la confusion. Le verrou syndical qui s’exerce dans les mouvements n’a rien de nouveau. Ce qui l’est, c’est plutôt le verrou actuel sur la critique des syndicats, acceptés comme tels par la majorité.
Les syndicats comme principal obstacle au développement de luttes auto-organisées…
Dernièrement, dans le « mouvement » contre la Loi Travail, le rôle qu’ont joué, une énième fois, les syndicats, correspond bien à leur fonction dans la société. Rien d’étonnant à ce que des appareils bureaucratiques, intégrés à l’appareil d’État depuis des décennies à travers les instances représentatives et paritaires, organisent les grèves les jours creux, les limitent à une durée de 24h, ne favorisent pas des AG ouvertes à d’autres secteurs pour briser les séparations corporatistes, ou négocient secrètement.
Derrière leurs arguments de défense du service public et donc de « l’intérêt général », de prétendus « acquis sociaux » (il est certes normal dans certains cas de ne pas se laisser enlever le peu qu’on a, mais les « acquis » restent des concessions faites aux exploitées lorsque leurs mobilisations ont une certaine ampleur, le plus souvent pour les calmer, et si possible les faire participer encore plus à leur propre exploitation à travers la cogestion), la CGT et les autres syndicats entendent surtout défendre leurs instances de négociation (Comités d’Entreprise depuis 1945, Comités d’Administration depuis 1958, délégués syndicaux, CHSCT, etc.), afin de pouvoir continuer à accompagner les réformes promues par l’État pour la bonne santé du Capital, comme elle le fait depuis que l’État réforme. Même lors de la fameuse affaire des ordonnances (qui ne gênaient pas les gauchistes en 1945 au moment des accords entre De Gaulle et le PC ratifiant la Sécu et la gestion tripartite), Macron n’a pas manqué de consulter les syndicats.
Depuis 95, les « mouvements sociaux », marqués par la revendication très citoyenne d’un service public utile à tous, sont des moments ou l’État prend le pouls en vue de négocier avec ses partenaires les syndicats.
Après 68 et les accords de Grenelle, il était au moins devenu clair pour beaucoup que la CGT et les autres syndicats étaient des machines bureaucratiques, qui ne pouvaient faire autre chose que stopper l’auto-organisation et la révolution.
Ce rôle n’a cessé de se renforcer par la suite, et la CGT de négocier en haut lieu, tant dans le domaine du nucléaire que dans les mesures constamment imposées par l’État pour venir à bout des avancées dans l’autonomie des luttes.
SUD diffuse cette image d’un syndicat plus à même d’intégrer des gens plus rebelles, moins politiciens. Mais son rôle de négociation reste dans la logique générale. Pour exemple, sur le nucléaire, SUD parle d’un retrait lent de l’énergie nucléaire civile, sans rien dire sur les utilisations de l’énergie nucléaire militaire ; SUD parle aussi d’énergie alternative, etc., mais, comme la CGT, présente des candidats au Conseil d’Administration de la Commissariat de l’énergie atomique (CEA). En voilà donc un syndicat radical !
Le mouvement anti-CPE de 2006 a constitué un sursaut, une victoire momentanée. Mais il n’a pas encouragé durablement les gens à lutter davantage. Il n’y a pas, dans cette société, de victoire si l’auto-organisation ne sort pas renforcée des luttes, si elles ne montent pas en intensité et en profondeur dans la critique, si elles ne s’étendent pas hors de leur lieu et de leur contexte d’origine.
Ainsi les dernières années sont particulièrement moroses, et c’est tout le pire de l’idéologie dominante qui avance à pas de géants : à la précarité accrue répond l’idéologie accrue de l’argent, le renforcement des séparations (avec le triomphe des pseudo-identités, réduisant les individus et leur complexité à des catégories prisées par les affaires et la politique, fondées sur la sexualité, la couleur de peau ou les origines), le je m’en foutisme, le nihilisme actif ou passif consistant à se

foutre de tout puisque les choses sont comme elles sont et qu’on ne peut rien y faire.

« L’unité » comme faux remède

Pour les militants actuels (c’est-à-dire ceux qui ont une chapelle à défendre), le remède à cette situation se trouverait dans l’unité et la fameuse convergence des luttes. La convergence des luttes est un mot creux, vide de sens, puisqu’il n’y a rien à faire converger à part des groupes politiques et/ou syndicaux recherchant une unité momentanée pour des objectifs qui les regardent.

Pour nous, qui n’en faisons pas partie, et cherchons à se débarrasser de nos chaînes, l’idéologie de l’unité sert surtout à tolérer ce monde et à s’y soumettre ; c’est un concept que les racketteurs organisés utilisent pour dire « Ta gueule » aux voix discordantes et minoritaires.

« L’unité », justifiée par l’argument qu’il ne faut pas se séparer, être minoritaires, sert surtout à happer un maximum de gens dans la logique dominante, et, lorsqu’elle fonctionne, paralyse les initiatives, en orientant les énergies vers les
méthodes classiques de la représentation et de la négociation, contre une autonomie entière des révoltée-s. Elle empêche toute discussion, toute possibilité pour les individus d’échanger des avis et de dépasser leurs limites, leurs illusions, en leur donnant le faux sentiment de faire partie de quelque chose, alors qu’ils en sont les jouets. Et le qualificatif de sectaire est vite employé pour éviter de tenir compte de qui est pertinent dans ce qui ose ne pas accepter aveuglément tout ce qui fait passer pour une « opposition ».
Ce n’est qu’avec le débat et la critique que les révoltés, les prolétaires peuvent entrevoir de nouvelles possibilités, concevoir le projet de se débarrasser de cette société, et commencer à y travailler.
Nous ne sommes pas faibles parce que nous sommes divisés, mais divisés parce que nous sommes faibles.
Il est nécessaire que les mouvements aillent au delà du symbolisme, vers une critique de la politique et des rôles qu’elle légitime. Il est nécessaire que se produisent des moments où les rôles sociaux sont dépassés. Personne ne peut croire que les travailleurs du privé se mobiliseront réellement pour défendre le « service public », catégorie qui enferme les exploitées du public dans leur rôle de sacro saint défenseurs des intérêts de tous, au lieu de défendre les leurs, et de
chercher à se mettre en lien avec les autres.
Événements récents

Dans les semaines passées, a Notre-Dame-des-Landes, où un certain refus de cette réalité sociale s’est jouée ces dernières années, avec d’inévitables contradictions, parfois lourdes, l’idéologie de l’unité a servi aussi, une fois de plus, à briser les initiatives qui sortaient du projet établi par les représentants autoproclamés de négocier avec l’État tout en affirmant le contraire, à grands cris d’insurrection. C’est bien la construction d’alternatives qui se joue, et non l’opposition, cherchant à s’étendre à tout le social, lorsque des représentants autoproclamés préparent le terrain aux flics ou commençant son sale boulot de répression et d’expulsions.

A l’Université de Montpellier : l’unité contre le « fascisme » du doyen et de ses sbires, a servi, une fois de plus, à demander aux autorités le rétablissement d’une vraie « justice », un vrai fonctionnement démocratique. Mais réclamer la reconnaissance par l’État de ses erreurs, réclamer une « justice » juste, c’est reconnaître les prérogatives de l’État, légitimer son rôle dans le contrôle et l’exploitation, cela même qui le constitue. Pendant ce temps, à la fac, les cours
continuent, sous une forme plus ou moins auto-organisée, mais sans faire tomber les rôles professeur/élève, sans critique sur la nature des matières universitaires et l’intérêt des discussions pour la critique des rapports d’autorité.

Mais des actions échappent aussi à cette logique, comme le sabotage du système informatique de la fac le 11 avril.

****
Il est certain que nous vivons dans une atmosphère difficile : catastrophe écologique, menaces de guerre, répression intensifiée de tout ce qui est humain (jusqu’aux plaisirs les plus simples), confusion et isolement accrus, batailles d’égo de gens séparés, addictions folles et dépression. La résignation pousse à l’acceptation de cette société, au manque de confiance en soi et dans les autres.
Nous devons critiquer, en paroles et en actes, ce qui crée et ce qui justifie cet état de choses, les compensations par la culture et le consumérisme que cette société nous tend comme des anesthésiants pour nous détourner de la pauvreté de
notre vie quotidienne.

Nous ne pouvons attendre d’être sauvés par un mouvement auquel on ne contribuerait que comme suiveurs, comme spectateurs. L’histoire n’est pas une force extérieure aux individus, et il y a nécessité à tenter de comprendre les forces et les faiblesses des mouvements du passé, pour faire des tentatives nouvelles, sans rechercher la perfection, mais plutôt une voie qui nous permette de concevoir autre chose.

Pour un Mouvement d’émeutes, de grèves sauvages, de Sabotage et d’occupations partout !

5 mai, rassemblement devant la prison en soutien à toutes les personnes incarcérées et aux 4 emprisonnés à ce jour pendant la période d’expulsions sur la zad de NDDL.

Retrouvons-nous pour chanter, briser l’isolement et faire du son contre la prison !

Venez nombreux.ses avec de quoi faire du bruit (casseroles etc.) pour un parloir sauvage : baladons-nous autour de la prison pour communiquer avec les prisonnier.e.s.

RDV le 5 mai à 19h au parking devant le Mc Do du centre commercial carrefour la beaujoire (tram le plus proche : tram 1 arrêt halvêque) proche de la maison d’arrêt de Carquefou.

Ensemble, résistons à la répression !

Liberté pour tou.te.s !